Emission d’obligations par une société ayant moins de deux ans

Emission d’obligations par une société ayant moins de deux ans
Permettre aux jeunes entreprises d’émettre des obligations pour se financier, voila ce qu’à introduit la loi NRE du 15 mai 2001. Explications.
Administrateur NetPME , mise à jour le 21/12/2012 00:00:00

Pour financer son activité, au lieu de procéder à une augmentation de capital ou de contracter un emprunt auprès d’un établissement de crédit, une société peut émettre un emprunt obligataire. Divisé en obligations, l’emprunt pourra être placé auprès de plusieurs souscripteurs.

Jusqu’à présent, l’émission d’obligations n’était permise qu’aux sociétés par actions ayant deux années d’existence et ayant établi deux bilans régulièrement approuvés par les actionnaires (par exception, les sociétés par actions ne remplissant pas ces conditions pouvaient néanmoins émettre des obligations si celles-ci bénéficiaient soit de la garantie de l’Etat ou de collectivités publiques, soit de la garantie de sociétés remplissant les conditions mentionnées ci-dessus).

Avec la transformation du monde économique et, notamment, le développement des sociétés de la « nouvelle économie », il est apparu utile au législateur d’ouvrir aux jeunes sociétés la faculté d’émettre des obligations.

Avant la loi n° 2001-420 en date du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques (la « loi NRE »), les deux premiers alinéas de l’article L. 228-39 étaient ainsi rédigés :

« L’émission d’obligations n’est permise qu’aux sociétés par actions ayant deux années d’existence et qui ont établi deux bilans régulièrement approuvés par les actionnaires.

Ces conditions ne sont pas applicables à l’émission d’obligations qui bénéficient, soit de la garantie de L’Etat ou de collectivités publiques, soit de la garantie de sociétés remplissant les conditions prévues à l’alinéa précédent. Elles ne sont pas non plus applicables à l’émission d’obligations qui sont gagées par des titres de créances sur l’Etat, sur les collectivités publiques ou sur des entreprises concessionnaires ou subventionnées ayant établi le bilan de leur premier exercice. »

L’article 102 de la loi NRE remplace les deux premiers alinéas de cet article par l’alinéa suivant :

« L’émission d’obligations par une société par actions n’ayant pas établi deux bilans régulièrement approuvés par les actionnaires doit être précédée d’une vérification de l’actif et du passif dans les conditions prévues aux articles L. 225-8 et L. 225-10. »

L’article L. 225-8 du Code de commerce (ancien article 80 de la loi du 24 juillet 1966), auquel le nouvel article renvoie, prévoit que :

« En cas d’apports en nature comme au cas de stipulation d’avantages particuliers au profit de personnes associées ou non, un ou plusieurs commissaires aux apports sont désignés par décision de justice, à la demande des fondateurs ou de l’un d’entre eux. Ils sont soumis aux incompatibilités prévues à l’article L. 225-224.

Les commissaires apprécient, sous leur responsabilité, la valeur des apports en nature et les avantages particuliers. Le rapport déposé au greffe, avec le projet de statuts, est tenu à la disposition des souscripteurs, dans les conditions déterminées par décret en Conseil d’Etat.

L’assemblée générale constitutive statue sur l’évaluation des apports en nature et l’octroi d’avantages particuliers. Elle ne peut les réduire qu’à l’unanimité de tous les souscripteurs.

A défaut d’approbation expresse des apporteurs et des bénéficiaires d’avantages particuliers, mentionnée au procès-verbal, la société n’est pas constituée. »

Second renvoi du nouveau texte, l’article L. 225-10 du Code de commerce prévoit quant à lui que :

« Lorsque l’assemblée délibère sur l’approbation d’un apport en nature ou l’octroi d’un avantage particulier, les actions de l’apporteur ou du bénéficiaire ne sont pas prises en compte pour le calcul de la majorité.

L’apporteur ou le bénéficiaire n’a voix délibérative ni pour lui-même ni comme mandataire. »

Pour émettre des obligations, les sociétés par actions qui n’ont pas deux années d’existence et deux bilans régulièrement approuvés doivent donc faire procéder à une vérification de leur actif et de leur passif, selon les modalités prévues aux articles 225-8 et 225-10 mentionnés ci-dessus. Le renvoi par la loi à ces deux articles visant l’intervention d’un Commissaire aux apports ou aux avantages particuliers lors de la constitution d’une société anonyme (ou lors d’une augmentation de capital) pose trois questions.

1) Au plan logique tout d’abord, l’intervention d’un Commissaire aux apports, même si elle répond à une logique de sécurité et de contrôle compréhensible, est un processus assez lourd qui paraît contradictoire avec l’intention du législateur de libéraliser les conditions d’émission des obligations. Le même niveau de sécurité et de contrôle aurait sans doute pu être atteint par la seule intervention des Commissaires aux comptes de la société. C’est d’ailleurs en ce sens que se prononçait le rapport du député Eric Besson (rapport n° 3027 fait au nom de la commission des finances de l’Assemblée Nationale lors de l’examen du projet de loi NRE), lequel précisait que « les références aux articles L. 225-8 et L. 225-10 du code de commerce [renvoient] à l’intervention des commissaires aux comptes« .

La personne chargée d’effectuer la vérification de l’actif et du passif doit-elle être le Commissaire aux comptes nommé par la société ou bien le Commissaire aux apports désigné par décision de justice ?

La raison commande évidemment de s’en tenir au texte et de considérer que c’est bien le Commissaire aux apports qui doit intervenir. Ainsi, l’émission d’obligations par une société ayant moins de deux ans d’existence suppose la désignation en justice d’un Commissaire aux apports chargé d’évaluer les éléments de l’actif et du passif de la société. Le rapport du Commissaire aux apports sera déposé au greffe et tenu à disposition des souscripteurs potentiels des obligations ; il devra être approuvé par l’assemblée générale décidant l’émission des obligations.

Cette procédure est d’autant plus lourde que l’évaluation du Commissaire aux apports doit porter sur tout l’actif et sur tout le passif de la société (à titre de comparaison, dans le cadre d’un apport en nature fait à une société, le Commissaire aux apports a pour mission d’évaluer les seuls biens apportés et non pas la totalité de l’actif et du passif de la société bénéficiaire de l’apport).

2) Au plan pratique, l’article L. 225-8 du Code de commerce prévoit que le Commissaire aux apports doit être désigné en justice « à la demande des fondateurs ou de l’un d’entre eux« . Cette disposition n’a évidemment aucun sens dans le cas qui nous occupe. Dans ces conditions, sans doute faut-il considérer qu’il revient aux organes compétents de la société de demander en justice la désignation du Commissaire aux apports.

3) On comprend par ailleurs mal l’intention du législateur lorsqu’il se réfère à l’article L. 225-10 du Code de commerce qui ne paraît avoir aucune vocation à s’appliquer, sauf à interpréter ce renvoi comme une interdiction faite à tout actionnaire qui serait également futur souscripteur de prendre part au vote lors de l’assemblée générale décidant l’émission.

Enfin, il convient de souligner qu’en raison de la suppression du second alinéa de l’article L. 228-39 du Code de commerce, tous les emprunts obligataires émis par des sociétés n’ayant pas deux années d’existence et deux bilans régulièrement approuvés devront faire l’objet de cette vérification de l’actif et du passif, alors même qu’ils sont garantis soit par l’Etat ou des collectivités publiques, soit par une société ayant deux années d’existence et ayant établi deux bilans régulièrement approuvés.

Me Marc-Etienne SEBIRE

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