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LOUER SANS RESTRICTION SUR AIRBNB À PARIS : L’OPTION DU LOCAL COMMERCIAL ?

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Par Xavier Demeuzoy, Avocat.- JEUDI 9 MAI 2019
ARTICLE TOUT PUBLIC

Première ville en France à attirer les touristes du monde entier, Paris reste le maître du jeu pour accueillir les demandes de location de courte durée de type « Airbnb ». L’arsenal réglementaire mis en place rend difficile pour un propriétaire d’une grande ville de s’enrichir via AIRBNB au delà des 120 jours de mise en location pour une résidence principale.
Ainsi, en 2018, les tribunaux ont infligé au total plus de deux millions d’euros d’amendes aux propriétaires qui louaient illégalement leur logement à PARIS. Devant cet arsenal règlementaire contraignant, certains propriétaires ont décidé de rechercher des alternatives légales. La transformation de locaux commerciaux en AIRBNB à Paris connaît ainsi un succès anarchique.

Louer sans restriction sur AIRBNB à Paris : l'option du local commercial ? (...)

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Cette note a pour objet de faire un point juridique (urbanisme et copropriété) sur la transformation d’un local commercial en vue d’y accueillir des locations meublées touristiques.

Pourquoi choisir un local commercial ?

La location meublée touristique est autorisée à Paris sans limite de durée sous réserve que le local soit à usage commercial.

Ainsi, lorsque vous investissez dans un local commercial, vous disposez de sa commercialité même s’il ne s’agit pas de votre résidence principale. Dans ce cas vous pouvez louer votre bien pour de courtes durées, pendant toute l’année et sans limitation de durée.

Le gain escompté est donc très important si le logement est loué sur une plate-forme de type AIRBNB.

De ce fait, de plus en plus de propriétaires ou investisseurs se tournent vers l’acquisition de locaux commerciaux afin de les transformer et les affecter en locations meublées touristiques et ainsi échapper à la réglementation contraignante limitant cette activité particulièrement rentable.

Un local commercial n’est autre qu’un local affecté en 1970 à un usage autre que l’habitation, ayant pour destination « commerciale ».

Toutefois, cette transformation ne signifie pas que les services de l’urbanisme ou encore et surtout le syndicat des copropriétaires ne s’opposeront pas à cette transformation du local nécessitant des formalités et un contrôle de conformité avec le règlement de copropriété.

Dès lors, la question qui se pose est de savoir si la commercialité d’un local constitue une exception légale permettant la location en de courtes durées, en toute légalité ?

Le local commercial est-il une exception légale ?

Selon l’article L. 631-7 du CCH, les changements d’usage de locaux destinés à l’habitation sont soumis à une autorisation préalable.

L’usage d’un local est une notion factuelle consistant à apprécier ce à quoi il est utilisé (habitation, bureau, commerce, hôtel, etc.)

Par conséquent, il y a changement d’usage à chaque fois que cette utilisation varie (installation d’un bureau dans un appartement).

En matière de location meublée de courte durée, la loi vient clairement énoncer le principe selon lequel « le fait de louer un local meublé destiné à l’habitation de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n’y élit pas domicile constitue un changement d’usage ».

Ainsi, proposer en location meublée de courte durée un local à usage d’habitation constitue juridiquement un changement d’usage devant faire l’objet d’une autorisation préalable.

A défaut, la mise en location de courte durée est tout simplement interdite et passible de lourdes sanctions.

A la lecture de l’article L.631-7 CCH, la commercialité demeure le principe.

L’exception notable à ce principe réside dans les termes de l’article L.631-7-1 A du même code selon lesquels : « Lorsque le local à usage d’habitation constitue la résidence principale du loueur (…) n’est pas nécessaire pour le louer pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n’y élit pas domicile », étant précisé que cette notion de résidence principale s’entend « comme le logement occupé au moins huit mois par an ».

Le champ d’application de cette exception est donc extrêmement précis puisqu’il implique, d’une part, que le logement loué soit en fait la résidence principale du loueur et, d’autre part, que le nombre total de locations consentis n’excède pas 120 jours dans l’année.

A défaut, le loueur qui ne respecte pas le principe d’interdiction de changement d’usage sauf autorisation préalable, encoure donc les sanctions prévues.

Vous disposez de la commercialité d’un local, vous envisagez une activité de location de courtes durées, qu’elle est la réglementation pour transformer votre local en Airbnb ? En d’autres termes, quelles règles appliquer en matière d’urbanisme ?

Les contraintes d’urbanisme.

La Ville de Paris, à l’instar de la majorité des communes touristiques françaises, a adopté des règlements précisant les procédures à respecter pour obtenir l’autorisation préalable de changement d’usage.

Lorsque le changement d’usage est soumis à autorisation, le propriétaire du meublé doit proposer un local à usage d’habitation, en compensation, de celui qui fait l’objet du changement d’usage. Les deux locaux doivent être de qualité et surface au moins équivalente. La délivrance de cette autorisation est subordonnée à cette compensation.

De manière simplifiée, 1m² du local destiné à changer d’usage doit être compensé par 1 m² de local destiné à l’habitation.

A Paris, il s’agit d’une compensation « renforcée », c’est-à-dire que le propriétaire doit compenser 1 m² à l’usage professionnel, par 2 m² à usage d’habitation, et dans le même arrondissement.

La règle de compensation renforcée de Paris ne s’applique pas lorsque le propriétaire transforme les locaux compensés en logements sociaux.

Un nouvel encadrement vient s’inscrire dans la liste des durcissements des règles en la matière. En effet, la Ville de Paris impose aux propriétaires dans les zones tendues, de chercher la commercialité non plus dans le même arrondissement mais plutôt dans le même quartier.

En revanche, le fait de louer régulièrement un logement à usage d’habitation à des touristes peut constituer un changement de destination de l’immeuble. En effet, le local en question n’est plus destiné à l’habitation, mais à l’exercice d’une autre activité.

Il existait auparavant 9 destinations possibles au sens du code de l’urbanisme dont : habitation, hébergement hôtelier (au sens d’une activité incluant des services significatifs de type hôtelier), bureaux, commerce, artisanat, industrie, exploitation agricole et forestière, entrepôt, constructions et installations nécessaires aux services publics ou d’intérêt collectif.

Pour les PLU (le plan local d’urbanisme) adoptés depuis le 1er janvier 2016, afin de permettre aux auteurs de PLU de prévoir des règles favorisant la mixité fonctionnelle et sociale, il est prévu de regrouper les 9 destinations antérieures en 5 destinations, elles-mêmes divisées en 20 sous-destinations (voir les articles R 151-27 et suivants du code de l’urbanisme).

L’arrêté du 10 novembre 2016 (JORF n°0274 du 25 novembre 2016) définit les destinations et sous-destinations et prévoit que les communes peuvent réglementer certaines sous-destinations dans le cadre du PLU.

Les cinq nouvelles destinations sont les suivantes : Habitation, Commerce et activités de service, Équipements d’intérêt collectif et services publics, Exploitation agricole et forestière, Autres activités des secteurs secondaires ou tertiaires.

Dans la destination « habitation », il existe deux sous-destinations : « logement et hébergement ».

Dans la destination « commerce et activités de services » figure notamment la sous-destination : « hébergement hôtelier et touristique ».

Cette nouvelle réglementation est relativement favorable au développement des activités touristiques dans les logements.

Selon une circulaire ministérielle seuls les meublés de tourisme fournissant les prestations para hôtelières au sens de l’article 261 4 ° b du CGI relèvent de la sous-destination de l’hébergement hôtelier.

Les changements de destination sont soumis à permis de construire s’ils s’accompagnent de travaux ayant pour effet de modifier les structures porteuses ou la façade du bâtiment (code de l’urbanisme art. R 421-14, c). A défaut, ils sont soumis à déclaration préalable (code de l’urbanisme art. R 421-17, b).

Par « changement de destination », il faut entendre un passage de l’une à l’autre des destinations mentionnées à l’article R 151-27 du code de l’urbanisme.

En cas de changement de destination, il faut déposer une déclaration préalable de changement de destination à la mairie de la commune ou à l’établissement public de coopération intercommunale (EPCI) dans lequel est rattachée la commune.

Par exemple, à Paris, il est possible d’utiliser une boutique pour faire de l’hébergement touristique, mais il faut faire une déclaration de changement de destination (vérifier au préalable la faisabilité du changement auprès des services de l’urbanisme car certaines zones sont réservées aux activités de commerce de détail.

Reste que les particuliers intéressés devront peut-être se confronter aux élus en place. En effet, ce type de transformation peut être en opposition avec leur politique d’habitation.

Le Plan Local d’urbanisme (PLU) peut prévoir des règles strictes régissant par exemple les rez-de-chaussée de certains immeubles voire interdisant les transformations de locaux commerciaux en logement dans le but de protéger le commerce de proximité.

S’agissant d’un « changement de destination » d’un local, une de ces deux formalités est nécessaire avant d’entamer des travaux de transformation.

La déclaration préalable de travaux peut suffire dans les cas suivants :
• En l’absence de modification de façade ou de structures porteuses,
• Si moins de 5m2 de surfaces de plancher supplémentaire sont ajoutés,
• Si le bâtiment n’est pas inscrit à l’inventaire des monuments historiques.

Dans tous les autres cas de figure, le dépôt d’un permis de construire est nécessaire.

Par ailleurs, les travaux devront respecter les normes en vigueur concernant l’accès au courant électrique, au téléphone, à l’eau potable et l’équipement pour traitement et évacuation des eaux usées.

Le local doit respecter les règles fixées par la loi dans ce cadre (surface habitable d’au moins 9m2, hauteur sous plafond d’au moins 2,20 m).

Le cas échéant, une place de parking devra être aménagée.

Attention toutefois, si votre local en copropriété touche les parties communes, les travaux devront être approuvés en AG de copropriété, à la majorité des voix.

L’article L 480-4 du code de l’urbanisme dispose qu’en cas de violation de l’obligation de faire une déclaration de changement de destination les peines sont les suivantes : « une amende comprise entre 1 200 euros et un montant qui ne peut excéder, soit, dans le cas de construction d’une surface de plancher, une somme égale à 6 000 euros par mètre carré de surface construite, démolie ou rendue inutilisable au sens de l’article L. 430-2, soit, dans les autres cas, un montant de 300.000 euros.« 

Quid des locaux situés dans un immeuble en copropriété ?

Un local situé en copropriété, qu’il soit à usage d’habitation (1) ou à usage commercial (2), n’échappera pas au contrôle de la copropriété.

1. La destination bourgeoise de l’immeuble : un obstacle aux locations touristiques dans un local d’habitation.

Si la location de courte courte durée se fait dans un local situé dans un immeuble collectif, il faut vérifier que le règlement de copropriété ne s’y oppose pas. Il est en effet, de plus en plus fréquent d’imposer des restrictions aux droits des copropriétaires, compte tenu de la destination du bâtiment, de ses caractéristiques et sa situation.

C’est le cas notamment pour les appartements situés en étage mis en location des plates-formes de type AIRBNB : dans les immeubles de standing, le règlement de copropriété contient souvent une clause d’habitation bourgeoise exclusive qui interdit toute activité dans l’immeuble.

Le règlement peut aussi précisément limiter les possibilités de changement d’usage pour éviter les abus et préserver la tranquillité des habitants de l’immeuble.

La jurisprudence tend à qualifier l’activité de location meublée touristique comme contraire à la clause d’habitation bourgeoise stipulée au règlement de copropriété afin d’ordonner le retour à l’habitation sous astreinte financière.

Le conseil constitutionnel a écarté une disposition de la loi ALUR (art. 19) qui ouvrait aux copropriétés la faculté d’exiger leur accord préalable pour de telles locations. Cette possibilité « portait une atteinte disproportionnée aux droits de chacun des copropriétaires » .

Par un arrêt en date du 15 juin 2016 n°15/18917, la Cour d’Appel de Paris a considéré que si la location meublée n’était pas en elle-même, « contraire à la destination bourgeoise d’un immeuble, le caractère commercial de la location de meublés touristiques la rendait incompatible avec une telle destination ».

Cet arrêt est intéressant car le règlement de copropriété autorisait le rez-de-chaussée et les 4 premiers étages de l’immeuble en occupation bourgeoise ou commerciale mais disposait que les
étages 5, 6 et 7 devaient restés en nature de chambres ou appartements à l’exclusion formelle de toute occupation commerciale.

En l’espèce, les étages 5, 6 et 7 étaient utilisés par une SCI copropriétaire à des fins de locations meublées saisonnières.

Ainsi, la Cour d’appel confirmera le Jugement rendu le 16 juin 2015 (RG n°12/11596) ayant interdit au propriétaire des lots de la SCI l’exercice de toute activité de location meublée saisonnière sous astreinte de 200 euros par jour outre une somme à payer de 5.220 euros au titre de la remise en état des parties communes et 4.000 euros au titre des frais de procédure.

Pour motiver sa décision, la Cour fera une lecture stricte du règlement de copropriété en rappelant que ce dernier est à destination bourgeoise exclusive pour les trois derniers étages. Par ailleurs, la SCI propriétaire devra succomber à 6.000 euros au titre des frais de procédure d’appel engagés par le syndicat des copropriétaires.

Il ressort de ce qui précède, qu’à contrario, la Cour d’Appel de Paris a considéré qu’une telle activité de locations meublées de courte durée pouvait être effectuée en toute conformité avec le règlement de copropriété au rez-de-chaussée et dans les 4 premiers étages de l’immeuble désignés comme des locaux commerciaux.

Si la jurisprudence tend à interdire l’activité de location meublée touristique en présence de clauses dites bourgeoises, qu’en est-il pour un local commercial ?

2.L’essor du local commercial face à la copropriété.

Bien que l’exercice de locations meublées de courtes durées dans un local commercial puisse être en conformité avec les dispositions d’urbanisme, cela n’interdit pas un contrôle de la copropriété.

De plus en plus de copropriétaires s’insurgent face à ces transformations de locaux commerciaux en ce qu’ils estiment être des hôtels déguisés et sources de nuisances pour les appartements avoisinants.

Le règlement de copropriété peut prévoir expressément l’interdiction d’un tel exercice dans l’immeuble même dans un local commercial.

Contrairement à l’idée reçue, il n’existe pas pour un propriétaire un droit immuable de transformer son local commercial à sa guise.

A cet égard, citons un jugement rendu par le Juge des référés du Tribunal de Grande Instance de Créteil du 7 septembre 2017 interdisant à un local commercial en rez-de-chaussée d’exercer une location meublée touristique, au motifs que :

« Aux termes du règlement de copropriété le rez-de-chaussée de l’ensemble immobilier situé au […] est réservé à l’exercice d’activités commerciales, artisanales ou libérales.
Il résulte en outre de ce document que chaque copropriétaire devra jouir de ses parties privatives conformément à leur destination, et dans le respect de la destination du bâtiment. »

Dans cette décision récente isolée mais intéressante, un syndicat des copropriétaires a assigné une SCI propriétaire de lots commerciaux en rez-de-chaussée et dont le règlement de copropriétaire indiquait que le rez-de-chaussée est réservé à l’exercice d’activités commerciales, artisanales ou libérales.

En effet, le Tribunal a retenu que :
« La modification de la destination des lieux telle que prévue au règlement de copropriété, réalisée sans autorisation de l’assemblée générale des copropriétaires, est contraire aux articles 9 et 26 de la loi du 10 juillet 1965 sur la copropriété des immeubles bâtis ainsi qu’aux dispositions du règlement de copropriété, en sorte qu’elle constitue un trouble manifestement illicite qu’il convient de faire cesser. Il y a donc lieu de faire droit aux demandes. »

Par conséquent, une autorisation de l’assemblée générale des copropriétaires pourrait être exigée pour la transformation de la destination de votre local.

Il ressort de ce qui précède qu’il n’est pas impossible que la jurisprudence puisse tendre à qualifier l’activité de location meublée touristique comme contraire à la destination du bâtiment, dans le but de sanctionner la transformation du local commercial en hébergement hôtelier et d’exiger l’autorisation de l’AG des copropriétaires à cet effet.

Conclusion.

Dans ce contexte juridique, tout propriétaire désireux d’acquérir ou transformer son local commercial en vue de l’affecter à des locations meublées touristiques de courtes durées doit être invité à se rapprocher d’un conseil juridique pour analyser la conformité de son projet avec les contraintes d’urbanisme mais encore et surtout les dispositions du règlement de copropriété.

Xavier DEMEUZOY – Avocat en locations meublées touristiques

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